Blandine Rinkel EN UN CLIN D'OEIL :
Journaliste, danseuse, musicienne, actrice et écrivaine, Blandine Rinkel est une artiste totale. Révélée lors de la rentrée littéraire d'hiver 2017 avec L'Abandon des prétentions, elle a publié aux éditions Fayard deux autres romans : Le nom secret des choses et Vers la violence.
POURQUOI ON AIME Vers la violence :
Cela commence par le jeu de la barbichette. Lou tient le menton de son père Gérard. Derrière l'apparence du jeu enfantin, se cache la peur de la fillette face à la violence parfois subreptice du père. Fantaisiste et ensorceleur, Gérard illumine les journées de sa fille. Elle en est sûre : plus tard, ils se marieront. Mais aussi fascinant soit-il, Gérard est aussi source de terreur. Lou apprend à découvrir et à vivre avec cette violence toujours latente, surgissant parfois au détour d'un silence suspendu ou de quelques mots claquant.
Cohabitant avec ses angoisses et ses fantômes, Gérard incarne la figure d'un père qui souffle le chaud et le froid. Symbole de masculinité, Gérard se découvre, au fil des années, comme un prisonnier du carcan viriliste . C'est en posant un tel regard sur son géniteur que Lou, devenue adulte, commence à goûter à l'indépendance - tout en recherchant, ailleurs, une nouvelle forme de violence à laquelle se confronter.
Le roman de Blandine Rinkel explore la manière dont les héritages nous façonnent, entre chance et malédiction. Comment s'affranchir de la violence lorsque l'on a vécu avec elle depuis son enfance ?
LA PAGE À CORNER :
Petit à petit, Jade devint ma première amie.
Pour une raison obscure, mon père la détestait. Sa fragilité et sa douceur de petite fille paraissaient l'irriter au plus haut point. Elle représentait tout ce qu'il avait fui, et certains jours - ce qu'il appelait les jours noirs - Gérard n'arrivait plus à se retenir et lui parlait mal. Il lui parlait, plus précisément, comme aucun adulte n'est censé parler à une enfant de 7 ans.
"Tu sais très bien ce que je veux dire, petite connasse, je vois clair dans ton jeu..." Dans ses moments de crise, les phrases de Gérard étaient suspendues. Lui qui aimait tant les histoires et d'ordinaire parlait par assertions nettes et exclamations joueuses, perdait toute articulation quand il était en colère. Ses mots, comme déviant de leur trajectoire initiale se déformaient dans sa bouche et se chargeaient de sous-entendus féroces.
Comme si, malgré lui, ses phrases se dirigeaient vers la violence.
Il y avait en lui quelque force qui le débordait. Des restes d'une enfance précaire et blessée dont il avait gardé, en cicatrice, un instinct défensif qui le faisait attaquer. Le sorcier de l'univers, certains soirs, devenait cruel. Sa violence, inassouvie depuis l'aube de la vie, cherchait une victime de rechange, n'importe laquelle, à condition qu'elle soit vulnérable et passe à portée. C'était la face obscure de mon père, celle qui me blessait. La face qui m'est le plus revenue en tête ces dix dernières années, comme une partie d'échecs non résolue. (p.65-67)
Dans la presse :
"Le roman de Blandine Rinkel, longue lettre au père, sonne comme un traité d'accession à la douceur : ou comment conjurer en soi les éclats du passé, retrouver avec le temps chez un géniteur affaibli par la maladie une "tendresse qui ne protège de rien", mais une tendresse, selon cette généalogie inversée qui fait de nous, un jour, les parents de nos parents."
Marc Lambron, Le Point
L'auteure de L'Abandon des prétentions donne à voir toutes les strates d'une existence. Les sentiments, les écritures, les tonalités sont d'une infinie richesse par leur mélange de feu, de coton, de glace.
Marie-Laure Delorme, Le Journal du Dimanche
"Véritable révélation de la récente rentrée littéraire, ce livre, déjà récompensée par le premier Prix Méduse, est aussi un support à travers lequel Blandine Rinkel déploie sans détours et fioritures ses pensées sur la construction des identités (homme et femme) dans nos sociétés."
Fasséry Kamissoko, TV5Monde
Shannon Humbert.