Oscar Coop-Phane en un clin d'oeil :
Né en 1988, Oscar Coop-Phane est l'auteur de plusieurs romans, dont cinq publiés aux éditions Grasset : Mâcher la poussière, Le Procès du cochon, Morceaux cassés d'une chose, Tournevis et dernièrement Rose nuit.
Pourquoi on aime Rose nuit :
Dans Rose nuit, Oscar Coop-Phane utilise les voies de la fiction pour nous embarquer au coeur d'une enquête à la fois intime et évocatrice : l'industrie de la rose. Pour ce faire, il nous emmène à la rencontre de trois personnages : Nana, Ali et Jan. Ces trois personnages aux parcours de vie bien différents sont pourtant tous reliés
La page à corner :
"Ali le sait, les couples ne s'offrent plus de roses comme ça, à la volée. Il continue de proposer, pour donner le change, mais réellement, la seule chose sur laquelle il compte, bien loin des gestes romantiques ou passionnés, c'est l'ivresse des jeunes gens - les blagues qui prennent le cliché à revers.
Les premières fois, il y a deux ans, il avait l'impression que d'une rue à l'autre, les ambiances de Paris changeaient du tout au tout. Maintenant, il ne voit plus qu'une masse identique. Toujours les mêmes bières, toujours les mêmes bars. La mollesse de l'asphalte qui se répand comme une lave, ce monde qui malaxe, qui recrache.
Le canal Saint-Martin, la place de la République, la Bastille, le Marais, puis République encore, mais par l'autre côté, la rue du Château d'Eau, Strasbourg-Saint-Denis, les rues derrière, puis le faubourg Montmartre, Montorgueil, Les Halles. Toutes ces histoires qui lui échappent, celle de la ville, et celles des couples ou des amis.
À force d'habitude, il comprend le français, mais il n'attrape que quelques mots au hasard, quand il se penche au-dessus d'une table, avant qu'on lui refuse une fleur. Ali ne boit pas d'alcool, mais même pour un thé, il ne pourrait jamais concevoir l'idée de s'asseoir là, dans un de ces cafés. C'est un monde qui jamais ne sera à sa portée. Même avec des papiers en règle et définitifs, même avec un travail mieux payé et son fils à l'école de la République, il ne pourra jamais en être, il ne pourra jamais en jouir. Il se sentirait comme une tache de gras sur une nappe en papier. Il y a la nationalité, bien sûr, l'histoire de la traversée, ce voyage vers l'inconnu, la trouille au ventre, parce qu'on n'a plus le choix, parce qu'il faut fuit pour survivre. Mais ce n'est pas seulement ça. C'est un malaise bien plus diffus qu'une nationalité ou une origine. On parle de classe, de rang social, de hiérarchie. C'est l'impossibilité de faire partie d'un monde, de s'échapper du sien aussi. Quoi qu'il advienne, Ali ne se retrouvera jamais assis à l'une de ces terrasses. Il n'y rêve même pas. La fatalité s'ancre d'une manière puissante. Depuis toujours, il a été condamné." (p.74-76)
Shannon Humbert.