Aimer encore, même quand tout s’effondre
Dans Où les étoiles tombent, Cédric Sapin-Defour, auteur du best-seller Son odeur après la pluie, raconte l’accident de parapente qui a failli coûter la vie à sa compagne. Récit haletant du jour J, chronique amoureuse d’un corps brisé à reconstruire, ce deuxième livre, qui mêle tension, tendresse et humour, est une ode au présent et à l’endurance du lien.
Toutes les vies, premier roman bouleversant d’une artiste majeure de la scène musicale française, Rebeka Warrior, raconte aussi un tremblement intime. Servi par une écriture scandée et une voix qui pulse, le livre relate une histoire d’amour et de deuil dans un couple de femmes et décrit aussi une quête spirituelle salvatrice.
Dans Une drôle de peine, Justine Lévy évoque quant à elle la disparition de sa mère, figure révoltée, autodestructrice et adorée, dans un texte pudique et lumineux. En filigrane, une interrogation universelle se fait entendre : comment vivre en portant ses absences ?
En littérature étrangère, avec Les Vulnérables, Sigrid Nunez ajoute à cette veine intime et délicate un souffle d’étrange comédie. Pendant la pandémie, une écrivaine confinée à Manhattan se voit confier un perroquet, Eurêka, compagnon de solitude. Sa cohabitation paisible est bouleversée lorsqu’apparaît l’ancien gardien d’Eurêka, jeune, séduisant et instable, que l’oiseau semble préférer : une élégie drôle et tendre, sur l’altérité, l’empathie et la force de l’écriture.
Quand le passé revient, tout s’éclaire ou vacille
Publié dans la collection Ma nuit au Musée, La joie ennemie de Kaouther Adimi est un récit puissant qui mêle mémoire familiale, histoire algérienne et parcours d’une figure artistique. Lors d’une nuit à l’Institut du monde arabe, l’autrice revit un épisode traumatique de son enfance, sur fond de violence politique, et part à la rencontre de l’artiste Baya, peintre algérienne. Émancipation, transmission et silence composent ce grand texte de mémoire vive.
Même motif du retour dans le passé, dans Tressaillir, Maria Pourchet écrit le portrait d’une femme écorchée vive. Michelle, mère et écrivaine en pleine crise, revient dans les Vosges de son enfance et tente de nommer enfin ses peurs enfouies. Dans une langue flamboyante, Maria Pourchet ausculte les racines de l’effroi et du désir.
Dans Le nom des rois de Charif Majdalani, c’est l’adolescence libanaise qui s’embrase. L’auteur y raconte sa jeunesse à Beyrouth, rattrapée brutalement par la guerre. Roman d’initiation, chronique d’un monde qui bascule, ce texte introspectif marque un tournant plus personnel dans l’œuvre de Charif Majdalani.
Paroles interdites, vérités étouffées
Avec L’incendiaire, Constance Rivière signe un roman implacable sur les lanceurs d’alerte. Alexandra, de retour dans sa ville natale, tente de prévenir d’un danger industriel imminent. Ignorée, elle devient suspecte. Entre réalisme et tension fictionnelle, ce roman questionne la valeur de la parole et la violence faite aux femmes qui dérangent.
Voix libre et portrait d’exception
Dans Yourcenar avant les autres, Laure de Chantal s’adresse à Marguerite Yourcenar dans un récit personnel et joyeux. Derrière l’académicienne, c’est la femme libre, curieuse, écologiste, amoureuse et bisexuelle qui est célébrée : un hommage littéraire autant qu’un manifeste pour une réappropriation vivante des figures intellectuelles du passé.
Récit vrai, crime réel et vertige moral
Sur le fil de la violence de Mark O’Connell, auteur et journaliste irlandais, retrace l’histoire vraie de Malcolm Macarthur, un double meurtrier qui fit scandale en Irlande dans les années 1980. L’auteur croise son chemin des années plus tard et s’interroge : peut-on raconter un monstre ? Véritable bijou de « narrative non-fiction », ce livre se lit comme un thriller et explore, à la manière d’Emmanuel Carrère ou de Truman Capote, la part obscure de l’humain.
La rentrée des éditions Stock : l’intime au cœur du tumulte
Profondément incarnés, les livres de la rentrée littéraire des éditions Stock se rejoignent dans leur manière de faire émerger l’intime au cœur du tumulte : une chute en parapente qui devient déclaration d’amour, une psychanalyse sauvage en forêt vosgienne, un deuil scandé comme un chant d’amour, une enfance cabossée, une guerre oubliée, une usine qui brûle. Portée par des voix puissantes, cette rentrée fait le pari du sensible, de l'engagement et du lien.
Lucile Charlemagne