Fuir pour survivre : entre effondrement et reconstruction
Dans De l’autre côté de la vie, Fabrice Humbert imagine Paris ravagée par une guerre civile. Un père prend la fuite avec ses deux enfants, déterminé à les préserver de la cruauté du monde. Sur leur route vers une hypothétique République du Jura, ils font la rencontre de gens plein d’humanité et avancent dans un paysage dont la beauté les éblouit. De l’autre côté de la vie est un roman tendu et poétique, où l’amour filial devient l’ultime refuge.
Fuite encore, mais plus intime, dans Celle qui fugue de Cécile Tlili. Alice, quittée par son mari, abandonne sa vie et erre en Corse. Lorsqu’elle rencontre Siham, jeune femme en révolte contre son propre destin, naît une relation de solidarité. Dans ce livre, l’écrivaine Cécile Tlili explore l’usure des sentiments, le besoin de disparaître pour mieux renaître et dresse un portrait féminin d’une grande justesse.
L’adolescence face aux déterminismes
Dans le premier roman de Robin Watine, Je rouille, c’est la voix fiévreuse de l’adolescence qui s’élève. Noé, coincé dans sa petite ville côtière, tombe amoureux de Léna, jeune fille solaire issue d’un autre monde. Quand Noé accepte de cambrioler la maison des parents de Léna, c’est moins par cupidité que pour tenter d’exister dans les yeux des autres. Je rouille est une immersion nerveuse et lucide dans la confusion des premières fois, entre désir, honte sociale et quête d’estime.
Résister à son passé, croire en une autre vie
Avec Quitter Berlioz, Emmanuel Flesch signe un roman social poignant sur la réinsertion et l’amitié masculine. Younes, tout juste sorti de prison, tente de reprendre pied en devenant coursier, tout en retrouvant son ami d’enfance Serge. Leur lien, forgé dans les cités des années 90, résiste aux fractures communautaires et aux échecs mais le chemin vers la liberté reste semé d’embûches. Quitter Berlioz est un texte grave et lumineux, qui dit beaucoup de la fraternité silencieuse et des marges sociales.
Famille, pouvoir et illusions américaines
Le roman étranger de cette rentrée littéraire 2025, Le Compromis de Long Island de Taffy Brodesser-Akner transporte le lecteur dans les failles du rêve américain. Lorsqu’un patriarche est kidnappé, c’est tout l’édifice familial qui vacille. À travers plusieurs générations d’une famille juive new-yorkaise, l’autrice brosse une fresque drôle et cruelle sur les ambitions contrariées, l’héritage et l’angoisse sociale. Dans la lignée de Philip Roth, Le Compromis de Long Island est un roman choral dense et acide, miroir d’une Amérique aussi riche qu’éclatée.
Lucile Charlemagne