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« La joie ennemie » de Kaouther Adimi : la joie comme résistance face à l’obscurantisme

Dans La Joie ennemie publié chez Stock, Kaouther Adimi mêle mémoire intime, histoire de l’Algérie et celle de l’artiste peintre Baya et raconte le passé qui s’impose, dans l’obscurité et le silence d’une nuit au musée. Entre la lumière des œuvres et de la vie qui s’écoule malgré tout, et l’ombre des violences, elle reconstruit ce qui a été enfoui : ce qui se tait, ce qui se crie, ce que l’on transmet. L’écrivaine porte un regard puissant, mélancolique et porteur d’espérance sur des trajectoires, la sienne propre et celle d’une grande artiste algérienne, Baya, dans les méandres des phases sombres de l’histoire.

Kaouther Adimi en un clin d’œil

Née à Alger en 1986, Kaouther Adimi vit aujourd’hui à Paris. Autrice de L’Envers des autres, Des pierres dans ma poche, Nos richesses (Prix Renaudot des lycéens) et Les Petits de décembre, parus chez Actes Sud et au Seuil, elle explore les liens entre mémoire, histoire et identité. Cet automne, elle signe chez Stock, dans la collection Ma nuit au musée, La Joie ennemie, une méditation sensible sur l’art, la mémoire et la possibilité de la joie dans des vies marquées par le silence et les blessures du passé.

Pourquoi on aime La Joie ennemie

Une nuit au musée pour revisiter la mémoire

Dans La Joie ennemie, Kaouther Adimi passe la nuit à l’Institut du monde arabe, au cœur de l’exposition consacrée à la peintre algérienne Baya. C’est le point de départ d’un texte hybride, à la frontière du récit intime et de la méditation sur l’art. La romancière mêle ses souvenirs d’enfance en Algérie — marqués par la décennie noire — à la lumière des toiles de Baya, figure d’émancipation et de création. Entre les murs du musée, dans ce dialogue imaginaire entre deux femmes et deux époques, se rejoue la question du silence, de la transmission et émerge la possibilité de la joie, qui succède à la peur.

L’art comme refuge et comme miroir et comme mémoire qui doit prendre sens

La joie ennemie trouve son point d’ancrage dans la rencontre ancienne avec l’œuvre de Baya, que Kaouther Adimi a découverte jeune adolescente à Alger, et qu’elle côtoie toute une nuit en vue de l’écriture du roman. Les couleurs éclatantes, les visages féminins et les motifs foisonnants de la peintre lui sont restés comme une empreinte lumineuse — un contrepoint à la noirceur du quotidien, de la guerre civile algérienne et aux non-dits familiaux. Pendant cette nuit au musée, l’écrivaine affronte ses propres réminiscences : les peurs d’enfance, la guerre, les silences transmis d’une génération à l’autre. Écrire, comme peindre, devient alors un geste qui permet de mettre en forme le chaos, de donner des mots à ce que la mémoire voudrait refuser. Dans cette nuit au musée, la romancière fait dialoguer la création de Baya avec la sienne, tissant entre les deux femmes un lien de filiation symbolique : l’art comme chemin vers la liberté.

La joie comme résistance

Affronter l’histoire, la sienne et celle de la peintre Baya, et la mémoire fait paradoxalement émerger la joie. La joie comme forme de résistance devient alors la possibilité de (se) reconstruire après l’effroi, de continuer à créer et de transmettre malgré tout. Dans ce texte bref et incandescent, la joie devient un acte de courage — une manière de faire exister la beauté au cœur du silence et de la nuit.

Les pages à corner

« Ma mère en a assez. Un jour, elle décide de se planter devant le judas de notre porte et de guetter le voisin. Lorsqu’il sort sur le palier, elle lui emboite le pas et s’engouffre avec lui dans l’ascenseur, accompagnée de ma tante. Dans la cabine exiguë, les deux femmes mentionnent avec un sérieux implacable les ordres qu’elles auraient reçu d’un émir du GIA. Le voisin devient livide. Il tremble. En sortant de la cabine, ma mère et ma tante éclatent d’un rire vengeur. Derrière elles, le voisin s’appuie contre la paroi de l’ascenseur, blême, au bord de l’évanouissement. Après cela, on nous laisse plus ou moins tranquilles dans ce grand bloc isolé face à la mer.

L’an dernier, j’y suis retournée avec mon grand frère. Nous nous sommes garés un peu plus haut et avons descendu la rue à pied. C’était le printemps, il faisait doux et léger. Le ciel était d’une clarté éclatante et je me sentais incroyablement heureuse d’être à Alger. Dans l’avion, j’en trépignais d’impatience, déjà ivre de cette lumière. L’immeuble était toujours là avec son esplanade blanche, il avait gagné quelques fissures sur la façade un peu décrépite. J’ai compté les étages. Huit. Il me semblait pourtant si grand, j’aurais pu jurer qu’il comportait au moins vingt étages. Je m’en suis ouverte à mon frère qui s’en est amusé, mais qui a reconnu avoir lui aussi gardé le souvenir d’une immense tour. Nous nous sommes accoudés au muret de pierre qui entoure le parvis, le regard perdu sur la ville blanche et la baie en contrebas. Nous pouvions distinguer les petites vagues et les bateaux. A gauche, au loin, je devinais la plage militaire de Sidi Fredj. Me revint un souvenir oublié et un grand sourire éclaira mon visage, presque malgré moi. L’été 1995, mon père nous déposait très tot le matin sur cette plage, avant d’aller travailler, sauf si une bombe avait frappé la veille. Nous étions soumis à une drôle de météo, celle des attentats. Après sa journée de travail, il revenait nous chercher, et durant ces quelques heures, nous étions livrés à nous-mêmes mes frères et moi, sous la surveillance lointaine de soldats et de mitraillettes. Un matin, il devait être aux alentours de 7h30, j’avais escaladé une large digue artificielle de rochers qui séparaient notre plage d’une autre, privée et interdite d’accès. J’étais très petite et extrêmement maigre, et je ne sais trop comment j’avais réussi à me faufiler à travers une brèche pour jeter un coup d’œil. A moitié passée de l’autre côté, j’aperçus un homme seul arpentant une longue étendue de sable. Il marchait, pieds nus, les mains croisées derrière le dos, vêtu d’une simple gandourah grise. A un moment, il releva la tête et je reconnus son visage marqué par l’inquiétude : le président algérien, Liamine Zeroual. Son front était barré de plis profonds, ses sourcils broussailleux froncés au-dessus de ses yeux sombres. J’ignore s’il me vit, et si ce fut le cas il ne sembla pas se formaliser de la présence au milieu des rochers d’une gamine aux cheveux emmêlés vêtue d’un maillot de bain vert. Je m’empressai de rebrousser chemin en crapahutant sur la roche et retournant sur la plage. Là, machinalement, je me mis à marcher à mon tour sur le sable, les mains derrière le dos. Quelque chose chiffonnait l’enfant que j’étais : si le président avait une plage déserte à sa disposition et qu’il ne se baignait même pas, c’est que le pays était vraiment dans une sale situation. » p. 128-131

Dans la presse

« La Joie ennemie », de Kaouther Adimi : le pouvoir de l’art face à l’obscurantisme

Inspirée par les toiles de Baya, pionnière de la peinture algérienne moderne, l’écrivaine entremêle dans son nouveau livre le récit de deux destins sur fond de « décennie noire »

Laëtitia Favro, Le Point

 

“La Joie ennemie” : Kaouther Adimi raconte sur le mode intime le basculement de l’Algérie

Pour la collection “Ma nuit au musée”, Kaouther Adimi a choisi de se rendre à l’Institut du monde arabe. Elle mêle à l’histoire de l’artiste Baya le récit de son retour en Algérie dans les années 1990 alors que se déchaîne la violence.

Yasmine Youssi, Télérama

 

Kaouther Adimi, pour La Joie ennemie : écrire sur la décennie noire en Algérie

L'écrivaine Kaouther Adimi raconte son enfance en Algérie pendant les années 90, la violence et l'exil. Son livre "La joie ennemie" est publié chez Stock.

Sonia Devillers, France Inter

 

La nuit au musée de Kaouther Adimi : le récit d'une enfance en Algérie face à la peinture de Baya

L'écrivaine algérienne Kaouther Adimi signe La joie ennemie dans la collection «Ma nuit au musée» chez Stock. Elle a choisi l'Institut du monde arabe à Paris pour cette expérience d'écriture. Ce roman est à la fois le récit intime de son enfance et de sa vie entre la France et l’Algérie, mais aussi un hommage à Baya, pionnière de la peinture moderne, souvent comparée à Matisse à Chagall. 

Nathalie Amar, RFI

 

L'écrivaine algérienne Kaouther Adimi, prix Renaudot des lycéens, livre un récit bouleversant avec « La Joie ennemie », une plongée dans la décennie noire algérienne à travers ses propres souvenirs d'enfance où elle croise la lumière de la peintre algérienne Baya. Un livre bouleversant, où l'intime rencontre l'Histoire.

Patrick Simonin (présentation), TV5 Monde

 

Lucile Charlemagne