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15 Septembre 2016

Rencontre avec Masashi Tanaka, auteur de "Gon"

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Manga sans paroles, Gon (Pika) est l’histoire d’un petit T-rex tantôt menaçant tantôt craquant, pour qui la terre est un vaste terrain de jeux et de chasse. Entre aventures et découvertes, Gon n’en fait qu’à sa tête et mène sa vie comme il l’entend, aux côtés des autres animaux sauvages… Nous avons suivi son auteur, Masashi Tanaka, lors d’une séance de dédicace donnée à Paris, et nous en avons profité pour lui poser quelques questions. (Extrait en bas de l'article)

Quelle a été votre inspiration pour Gon ?

 

Je n’ai pas réellement réfléchi au pourquoi de Gon. C’est quelque chose qui a surgi de nulle part, c’est une envie qui m’est venue subitement, et que je me suis tout de suite mis à dessiner. Lorsque Gon est né, moi-même je ne savais pas réellement quel genre de personnage il était, quel genre de créature c’était.

 

J’ai été cependant très inspiré par les graveurs européens du Moyen-Age. Selon moi, Gon est une série qui s’inscrit dans la continuité de la tradition de la bande-dessinée européenne. Ce n’est pas un manga – comme on me le fait souvent remarquer au Japon – c’est une bande-dessinée. Pour m’aider dans mon travail j’ai observé de vieux dessins animés européens. J’ai également beaucoup travaillé sur  la documentation, sur des photos. Pour moi, le but n’était pas de reproduire le plus possible la réalité, mais justement de voir comment l’apprivoiser et en faire mon propre travail. J’ai essayé de faire quelque chose de nouveau, par exemple je n’ai pas eu recours aux mots dans Gon. C’est toute la difficulté : devoir raconter quelque chose sans parole. Au début, lorsque j’ai présenté Gon au Japon, les éditeurs ont refusé et m’ont demandé pourquoi il n’y avait pas de personnages humains, pas de dialogues. Les éditeurs Japonais m’ont dit que le manga devait être fait de telle ou telle manière, qu’il y avait des règles à respecter. Les difficultés que j’ai rencontrées ont été exclusivement avec les éditeurs, et au contraire, les lecteurs m’ont apporté beaucoup de soutien, et ont été vraiment réceptifs.

 

 

Quels ont été les auteurs européens qui vous ont le plus marqué et peut-être inspiré ?

 

J’apprécie énormément d’auteurs de bande-dessinée, mais je ne me sens influencé par personne. Je n’ai envie d’imiter personne, car selon moi la bande-dessinée est le reflet d’un travail personnel. Je n’ai aucune envie de copier quelque chose qui est vraiment l’expression d’une individualité. Si influence il y a, je dirais les graveurs du Moyen-Âge. J’aime l'idée que je fais quelque chose de nouveau à partir de quelque chose de très ancien. Mais je respecte beaucoup d’auteurs tels que Bilal et Moebius, tout simplement car ils sont uniques, j’aime cette individualité-là. C’est exactement ce que je veux faire aussi, ce qui m’anime : proposer un dessin que personne d’autre n’est capable de faire ou ne fait, quelque part ailleurs. J’ai été influencé par l’esprit de la bande-dessinée dans le sens où chacun propose son projet artistique, sa personnalité. Au Japon, c’est très différent : c’est très accepté de copier ou d’imiter le travail de personnes que l’on admire. C’est pour ça qu’aujourd’hui beaucoup de dessins se ressemblent au Japon, et cela me gêne. Tout devient très homogène. Il y a même des modes de dessins, et lorsqu’une mode apparaît, tout le monde saute dessus. J’ai donc été influencé par l’esprit d’indépendance de la bande-dessinée.

 

Pourquoi avoir choisi de vous intéresser au monde animal ?

 

L’idée de me focaliser sur le monde animal m’est venue du fait que j’avais peur que la série ne rencontre pas de succès au Japon. Je voulais m’adresser au public international. Il y avait la barrière de la langue, la barrière culturelle dont je voulais pouvoir faire abstraction. Je me suis focalisé sur un contenu à portée universelle. Environ 2 ans après la création de Gon, je suis allé au Brésil, en Amazonie. J’ai montré le livre aux personnes que j’ai rencontrées lors de mon voyage. Ils ont tous applaudi. Ils ont trouvé ça drôle. Et c’est à partir de ce moment-là que j’ai compris que j’avais réussi ce que je voulais entreprendre. J’ai été très surpris qu’un an après la création de Gon, des éditeurs français se soient manifestés et se soient intéressés, alors qu’au Japon, les personnes ne comprenaient pas réellement le projet. C’était un peu plus compliqué. En France, il y a tout de suite eu un intérêt pour la série. Même aujourd’hui, il s’agit d’une série qui marche beaucoup mieux à l’étranger, en France, en Europe, qu’au Japon. Je suis extrêmement reconnaissant envers le monde éditorial français pour l’intérêt porté à mon travail.

 

Gon a plusieurs facettes, quelle est, selon vous, la véritable personnalité de Gon ?

 

Dans mon esprit il y a deux Gon qui existent simultanément : celui du début du manga, un reptile un peu menaçant et réaliste, et le Gon plus mignon, que l’on voit vers la fin de la série, et qui correspond très bien aussi à la version animée. A la fin des années 1990, il y a un réalisateur espagnol qui m’avait contacté pour faire un dessin-animé Gon, et sur la base du personnage du début du roman, plus réaliste, mais à l’époque les images de synthèse étaient limitées techniquement et n’étaient pas assez convaincantes.  J’ai quand même envie de faire réaliser un dessin animé de Gon sur sa version plus effrayante et plus réaliste. En bref, Gon n’est pas qu’un petit dinosaure mignon, mais un projet bien plus vaste.

 

Pouvez-vous nous raconter quelle est l’histoire du personnage de Gon, en quelques mots ?

 

Manger, dormir, s’amuser. C’est un petit bébé, personne ne lui dit quoi faire, il est libre. Il n’a aucune préconception, aucune idée toute faite. Il se contente de suivre ses instincts. Il ne connaît pas le danger. C’est ce qui fait tout son charme. Gon n’est pas un personnage violent, dans le sens où lui ne fait pas la distinction entre le bien et le mal. C’est quelqu’un qui vit tel qu’il est profondément, sans se soucier du monde extérieur et sans se laisser entraver par le monde qui l’entoure. C’est quelqu’un de très impulsif, un peu capricieux, mais c’est sûrement encore une fois l’expression de sa singularité, de sa nature profonde. C’est quelqu’un de simple et de pur.

 

Et même moi, il y a tant de choses que je ne connais pas au sujet de Gon ! Je ne sais rien de lui, donc si vous, lecteurs, vous pensez l’avoir cerné, c’est également la vérité. Chacun a sa propre idée du personnage, en fait.

 

Que pensez-vous de la nouvelle édition de Gon, réalisée par les éditions Pika en France ?

 

J’aime beaucoup le design très simple et épuré. Par exemple, le dessin de Gon qui croit voler à dos d’aigle pour la couverture du tome 3 a été un énorme succès. C’est la couverture qui a le plus plu à l’étranger. L’aigle est le symbole de la liberté et Gon s’agrippe à son plumage et donc à sa liberté qui lui est très chère. Gon est très à l’aise dans tous les milieux : sur terre, sur mer et même dans l’atmosphère, presque dans l’espace. Il est à l’aise et s’adapte partout. J’aimerais aussi beaucoup le faire monter sur la tour Eiffel, mais pas forcément dans les histoires. Je fais la distinction entre Gon le manga, et Gon le personnage que j’envisageais dès le début comme une sorte de Mickey Mouse, que l’on peut mettre dans toutes sortes de situations. Pourquoi ne pas lui mettre un chapeau de père Noël et le faire vivre dans un contexte français ! J’ai déjà fait un Gon qui fabrique du vin, par exemple…

 

Découvrez un extrait de Gon

 

 

Claire Sarfati
Propos recueillis par Marion Epinette

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