<p>Julia et Papa. Une rencontre, brève. Julia et Papa seuls dans une salle de classe perdue dans les montagnes, on ne sait pas vraiment où, ni vraiment quand : le récit du dernier roman de Anne Plantagenet, Le prisonnier, se déroule à huit clos, hors du temps. Julia est l’institutrice du hameau à qui les villageois, sombres brutes, ont confié la tâche de s’occuper de Papa, assassin sanguinaire tout juste capturé et détenu dans sa classe. Malgré son statut, Julia est une jeune femme isolée du reste du village où plus personne ne la regarde depuis qu’Abel l’a trahie, et quittée. Julia est seule, toujours, emprisonnée dans sa tristesse, libérée de temps à autres par le premier mouvement de la sonate n°14 de Beethoven. Papa, elle n’en a pas grand-chose à faire, mais va l’aider, parce qu’il faut bien. Et parce que personne ne lui a demandé son avis. Elle se retrouve enfermée dans sa propre classe aux côtés de cet homme à la barbe hirsute, aux vêtements déchirés et à l’odeur nauséabonde. Chacune de ses respirations, assourdissantes, semble être un supplice, une déchirure. Blessé à la jambe, il ne bouge pas, la foudroyant simplement de son regard qu’elle ne peut soutenir. Elle le craint et l’admire à la fois. Selon les rumeurs, il aurait tué, à mains nues, des hommes et des femmes, beaucoup. Imperceptiblement, un dialogue s’instaure entre eux. Papa semble lire dans les pensées de la jeune femme, sa tristesse, sa solitude. Se sont deux êtres défaits qui se retrouvent ici pour quelques instants. Julia tente de saisir le sens de tout cela ; comment un homme marié, intelligent, avec une bonne situation (on le dit médecin), a-t-il pu tout quitter pour vivre dans la forêt et combattre ? Malgré son incompréhension, elle admire l’homme, qui même une fois capturé, physiquement abattu, résiste : tout est dans son regard. Et il semble qu’au fil de leur rencontre, le prisonnier transmet sa force, cette force mentale, à Julia qui sortira changée de cette rencontre, nouvelle, libérée.</p>