Lors d'une rencontre organisée ce printemps notamment par Le Magazine littéraire, Laurence Tardieu a présenté un texte sur Patrick Modiano qu'elle admire, saisissant l'occasion pour "réfléchir à l'origine, chez sans doute nombre d'écrivains, de l'écriture, de ce qui la déclenche, la rend nécessaire, et qu' [elle formulera] dans un premier temps très simplement : On écrit parce qu'on ne peut pas dire. On écrit parce que le chemin qui va de soi à la parole ressemble à une route coupée : coupée par l'oubli, par la honte, par l'effroi, par la douleur ; par le passé qui ne passe pas ; et c'est bien le tour de force de l'écriture que de permettre, au terme d'un long tâtonnement, de par la traversée qu'elle opère, de mot en mot, fouillant de l'autre côté du silence, de ré-construire la route, d'ouvrir une voie (une voix) là où il n'y en avait plus."
Nul doute que préparant le texte de sa très remarquable intervention (cf www.magazine-litteraire.com ), Laurence Tardieu fût encore tremblante de l'écriture de La Confusion des peines qui vient de paraître. Tout est dit dans ces quelques lignes, s'appliquant à la situation familiale par laquelle son monde s'écroule : "Mon père, un des directeurs de l'ex-Compagnie Générale des Eaux, a été condamné pour corruption à vingt-quatre mois de prison dont six mois ferme [...] Il a appris en janvier 2000 qu'il devait sans délai exécuter sa peine. En janvier, cette même année, ma mère [...] a su qu'elle était atteinte du tumeur au cerveau [...]" Voilà la parole coupée entre la fille et son père pour qui elle exprime sa passion depuis l'enfance. Le livre, discrètement intitulé roman, rétablit la liaison malgré que le père n'ait pas voulu qu'il soit écrit, du moins de son vivant. Le texte scande son amour filial, refusant de choir dans les trous noirs du silence, les comblant par les mots afin de réconcilier l'image du père admiré et celle de l'homme qui a inexplicablement failli à son éthique bourgeoise.
Refermant ce (court) récit poignant, trois idées me viennent à l'esprit : si la communauté humaine rompait le silence familial, le tissu littéraire serait ajouré ; tous les parents n'ont pas la chance d'avoir un enfant écrivain ; enfin, après Un Temps fou, Laurence Tardieu me confirme son talent à explorer la passion, hier amoureuse, aujourd'hui génique. Elle entre, adoubée de sa fascination pour Modiano - elle a relu récemment tous ses livres, dans le carré de mes affinités littéraires.
Vous êtes ici
LA CONFUSION DES PEINES
Onglets livre
à voir
A lire aussi
Après le succès de La commode aux tiroirs de couleurs , Olivia Ruiz est de retour ce 11 mai en librairie avec un deuxième roman : Écoute la pluie...
Serena Giuliano a reçu le Prix des Lecteurs U pour son roman Luna . Elle succède à Anne-Gaëlle Huon, lauréate 2021, avec son roman Les Demoiselles .
Line Papin signe son retour à l'autofiction avec Une vie possible (Stock), où l'expérience de ses deux grossesses interrompues réveille son...
Avis des lecteurs
4/5
Note moyenne obtenue sur :


