Doria a 15 ans, elle vit à Livry-Gargan avec sa mère depuis que son père est reparti au Maroc avec une autre femme, plus jeune et plus féconde...
Le regard que cette ado porte sur sa vie est acéré, sans espoir mais pas sans humour. Jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse de l'un de ses potes... Alors, peu à peu, avec précaution, sa vision du monde s'adoucit. Elle apprend à ne plus toujours considérer l'autre comme un ennemi.
À la sortie du livre, Faïza a souvent été confondue avec ses héroïnes. Même origines, même génération, même répartie. Cependant, "Kiffe kiffe demain" n'est pas une œuvre autobiographique mais une œuvre de fiction, inscrite dans le réel de la société. Et le talent de Faïza va bien plus que loin que le sens de l'observation. Elle a une jolie plume, un style très personnel, plein de vivacité, d'énergie et un vrai talent de narration, de construction de l'histoire et de description des personnages et des vies.
La banlieue est dépeinte non pas à la façon d'un reportage sociétal mais à travers des portraits savoureux. Il y a la psy de la mairie, du genre qui "sent le Parapoux", le prof d'éducation civique qui "se la joue prophète social", Nabil "un mec plein d'ambition", qui veut "carrément participer au "Bigdil" et gagner la voiture". Et puis, il y a cette femme qu'un patron raciste appelle "la Fatma", parce que "ça doit bien le faire marrer [...] d'appeler tous les arabes Fatma, tous les noirs Mamadou et tous les chinois Ping-Pong". Cette femme, c'est la maman de Doria, volontaire, battante, travailleuse. Les personnages sont si justement décrits qu'ils en deviennent vivants. Grâce à eux, Faïza parvient à nous faire entrevoir une part du réel. Le regard faussement ingénu de Doria transmet une représentation différente de la vie en banlieue, loin des clichés et des préjugés, à la fois tendre, vraie et sans concession.
Ce roman ne va pas dans la facilité, c'est simplement une nouvelle forme de littérature, avec des mots justes, une écriture maîtrisée, une construction impeccable, dans un langage qui est le sien et celui de l'univers qu'elle décrit, l'argot et le phrasé des banlieues. Au point que "Kiffe kiffe demain" est aujourd'hui au programme de certains cours de français. Parce que c'est avant tout une voix, du genre qu'on n'entend pas souvent mais qui ici s'exprime haut et fort pour dépeindre le réel mais aussi délivrer un message d'espoir : "L'amour, c'est aussi une manière de s'en sortir."