Claire Fuller en un clin d’œil :
Claire Fuller vit à Winchester en Angleterre. Les jours infinis, dont les droits ont été vendus dans dix pays, est son premier roman.
Pourquoi on aime Les jours infinis :
Londres. 1985. Peggy est comme revenue d’entre les morts. A 17 ans, elle vient de passer la moitié de sa vie dans une cabane isolée au fin fond d’une forêt allemande, coupée du monde. Neuf ans auparavant, son père, James, a profité de l’absence de sa mère, pianiste concertiste, pour l’emmener dans un voyage qui aurait dû être sans retour.
Survivaliste obsédé par la fin du monde, James passe son temps d’avant le départ à fabriquer un abri antiatomique, à stocker des provisions et à organiser des cercles de discussions avec ses amis. Un jour il décide d’embarquer sa gamine, direction « Die Hütte », un lieu reculé de la forêt allemande qu’il décrit comme un petit paradis d’abondance où l’hiver n’arrive jamais, où il n’y a qu’à tendre la main dans la rivière pour la ressortir grouillante de poissons. Mais pour Peggy les vacances se transforment d’un coup en éternité quand son père lui annonce que la fin du monde a eu lieu et qu’ils sont les derniers survivants. Passé le choc pour Peggy, leur vie s’organise autour d’un piano bricolé sur une table, seul objet raccordant la petite à la civilisation et au souvenir de sa mère et sur lequel elle joue et compose une musique qu’elle n’entend que dans sa tête. Il faut poser des pièges, planter des graines, se prémunir du froid et de la faim et surtout réussir à vivre avec ce père aussi doux et aventureux un jour que colérique ou zombique le lendemain. S’ouvrent là, pendant le long et rude premier hiver développé sur des dizaines de pages puis les années qui suivent, ciselées à coups d’ellipses et de rebondissements, un magnifique tableau et une réflexion tout aussi magnifique sur le lien père-fille adolescente, le passage du temps et celui de l’enfant à l’âge adulte.
Dans l’alternance du récit entre le temps de 1985 et celui de « Die Hütte », on comprendra comment Peggy a fini par s’extraire de ce huis-clos à ciel ouvert, pourquoi elle est revenue seule, ce qu’est devenu James, comment elle peut réussir à renouer avec cette mère silencieuse et si différente de son souvenir et à apprivoiser le petit frère qui est né en son absence et qu’elle ne connaît pas. Enfin, comment devenir une femme à partir de rien, quand on est revenue d’un paradis-enfer pour ne retrouver que des limbes grisâtres ?
D’aucuns comparent déjà ce premier roman prometteur à Sukkwan Island de David Vann ou aux premières fictions de Ian McEwan. Aux heures les plus sombres du livre on pensera aussi à La Route de Cormac McCarthy ainsi qu’à Into the Wild de Jon Krakauer. Les jours infinis n’a clairement pas volé le prestigieux prix Desmond Elliott.
La page à corner :
"Selon moi, ce matin-là, le besoin de lire de la musique n’était pas une moins bonne raison d’allumer une bougie que toutes ces autres fois. Je tirai sur la bougie, la décollai de l’étagère et l’allumai avec une plume plongée dans le feu. Je fis fondre une goutte de cire sur la table et fixai la bougie dessus. La partition de La Campanella ouverte devant moi, je m’assis au piano, fredonnant les accords dans la lumière vacillante. La minute d’après, j’entendis un grognement, comme si un ours se tenait dans mon dos, debout sur ses pattes arrière, les griffes en l’air, prêt à se battre. « Punzel ! » gronda l’ours. Je me recroquevillai sur le tabouret, guettant à sa merci, la griffure sanglante qui allait me transpercer la peau du dos. « Qu’est-ce que tu fais, bon sang ? » La flamme de la bougie vacilla, puis s’éteignit. « Les bougies, c’est pour les urgences ! cria-t-il. Apparemment tu n’as toujours pas compris ce que ça veut dire de vivre ici ? Quand cette bougie (il l’arracha de la table et me la brandit au visage) sera consumée, il n’y en aura plus. Plus jamais. Tu comprends ? » La fumée qui s’échappait de la mèche me fit monter les larmes aux yeux. « Tu comprends ? » Je hochai la tête. « Je suis désolée, papa, dis-je, j’essayais juste de mettre au point un accord je n’ai pas réfléchi. » Mes yeux se remplissaient, un battement de cils et mes joues seraient inondés de larmes. « C’est ça le problème avec toi. Tu ne réfléchis jamais à rien. » Sa colère se déversait comme un ouragan dans la pièce, qui emblait encore plus confinée du coup. « Je savais bien que je n’aurais pas dû t’emmener. Tu es une charge trop lourde. J’aurais dû te laisser crever avec les autres ». » (p.186-187).
Les jours infinis dans la presse :
"…une œuvre inattendue et brillante sur la relation père-fille, la manipulation, l’amour fou et tragique, le décompte du temps", Christine Ferniot, L’Obs.
"Le mieux est de ne pas savoir ce que ce livre recèle comme rebondissements", Claire Devarrieux, Libération.
"… un premier roman parfaitement réussi, intense et hypnotique, à la fois cruel et beau", Sandrine Maliver-Perrin, Page des libraires.
Noémie Sudre