Le temps des femmes
La rentrée littéraire des éditions Stock nous donne à lire de formidables portraits de femmes, aussi profonds que singuliers. C'est ainsi que nous faisons la rencontre d'Apolline, trentenaire partie à Conques pour se sevrer des hommes. Dans Le retour de Saturne, Daphné Tamage nous dépeint le parcours de vie de sa protagoniste, qui a toujours cherché à se construire et à se définir par les hommes. À l'image de la maison qu'elle rénove, Apolline apprend à se restructurer - le tout à l'ombre, spirituelle en tout point, de l'abbatiale de Conques.
Dans Aucun respect, Emmanuelle Lambert brosse quant à elle le portrait d'une jeune femme idéaliste qui, du haut de ses 20 ans, fait ses premiers pas dans un milieu intellectuel qui a tout d'une caste d'hommes : l'héroïne fait la rencontre d'Alain-Robbe Grillet, imposant « Pape du Nouveau Roman », et de son épouse Catherine qui, à eux deux, incarnent une certaine idée de la littérature et de la liberté sexuelle. Dans cette comédie du pouvoir, une règle émerge: la liberté s’exerce toujours dans le jeu avec les autorités établies.
Dans L'admiration, Florent Marchet lui aussi choisit de décrire le destin d'une femme dans le milieu artistique, cette fois au coeur du stand-up. À travers la figure de Nadia Viper, humoriste au succès frémissant et prête à tout pour se hisser en haut de l’affiche, se dessine en creux le thème de la précarité en tant qu'artiste et la difficulté à faire sien un métier qui, après avoir été fantasmé, se heurte à la réalité.
Le temps qui passe
La rentrée littéraire des éditions Stock nous enjoint également à prendre conscience du temps qui passe inexorablement, et dont il est possible de s'extraire grâce au pouvoir de la fiction. Cette thématique est au coeur du nouveau roman de Jean-Marc Parisis, Prescriptions : terrassé par une horrible migraine, Pierre Vernier apprend qu'il ne reste plus que quelques mois à vivre. Le même jour, deux femmes se rappellent à lui par d’étranges messages sur son téléphone. Commence alors une quête existentielle, où la littérature et l'obsession du temps se rencontrent et s'entremêlent sans cesse.
C'est à un saut dans le temps que nous convie Emmanuel Ruben dans Malville, en situant son roman en 2036, alors que l'humanité est confinée à cause d'un accident nucléaire. Samuel Vidouble se remémore alors le temps de son enfance, dans les années 1980, à l'ombre d'une centrale nucléaire symbole de la France périurbaine.
Anne-Sophie Stefanini elle aussi s'empare du thème du temps qui passe dans Une femme a disparu. Tombée amoureuse à 17 ans d'un homme et de son pays, le Cameroun, Constance, 20 ans plus tard, tente de retrouver une professeur disparue : entre retrouvailles et disparitions, le roman fait la part belle à la fiction et à la manière dont le souvenir agit, alors même que le présent nous appelle du pied.
Le temps de l'Histoire
Enfin, la rentrée littéraire des éditions Stock fait entendre les voix oubliées de l'Histoire. À commencer par l'ouvrage de Cristina Comencini, Hors-champ. À travers l'histoire de quatre femmes portée par un souffle romanesque extraordinaire, l'autrice nous conduit au coeur de la Commune de Paris, de la révolution d'Octobre, de la résistance italienne et du Londres des années 1960. Ce faisant, elle se livre sur son propre parcours et, brouillant la frontière entre fiction et réalité, signe son roman le plus intime mais aussi le plus universel.
C'est à un autre pan de l'Histoire qu'Ananda Devi dédie son nouveau livre, La nuit s'ajoute à la nuit. Elle y raconte sa nuit blanche passée à la prison de Montluc, témoin d'un siècle d'Histoire et de toutes les contradictions qu'elle comporte. Pensant se confronter aux fantômes de ces murs, l'autrice nous mène dans une quête intérieure haletante qui la mène à se demander si, finalement, elle ne serait pas le fantôme de ces lieux.
Enfin, c'est une voix tout droit sortie des âges que nous donne à entendre la rentrée littéraire Stock, avec le témoignage de József Debreczeni. Dans Le crématorium froid, ce rescapé hongrois du "pays d'Auschwitz" détaille le système hiérarchique concentrationnaire et l’implacable mécanique d’extermination mise en place par le régime nazi. Page après page, l'auteur s'emploie à rendre hommage aux hommes qu'il a côtoyés et leur restitue ainsi leur humanité.
Shannon Humbert.