Quand la fiction rencontre l'Histoire
Cette année, les éditions JC Lattès font résonner la petite et la grande Histoire à travers des romans qui mêlent récits factuels et fictionnels. Publié au label La Grenade, le nouveau roman d'Hella Feki, Une reine sans royaume, en est l'exemple parfait. L'écrivaine y met à l'honneur une figure de femme tombée dans l'oubli, Ranavalona III, reine malgache exilée loin de son royaume. À travers ce roman écrit sous la forme d'un journal intime, Hella Feki investit les blancs laissés par l'Histoire officielle et imagine le voyage de cette souveraine à Tunis, en 1907. En filigrane, se dessine le tableau d'un pays qui fait figure de capitale culturelle et intellectuelle de l'Orient du début du XXe siècle.
Cette alternance entre Histoire et fiction est également une bonne manière de démontrer, à travers le prisme narratif, les répercussions de l'Histoire sur notre société actuelle. C'est ce que souligne Marie Semelin dans son premier roman, Les certitudes. Alors que Madame Simone est morte, son amie Anna décide de suivre ses traces, ce qui la conduit en Israël. Commence alors une quête de la vérité qui emmène le lecteur à travers une fresque de 1955 à aujourd'hui du conflit israélo-palestinien, et qui, grâce à sa riche galerie de personnages, crie l'urgence de reconnaître l'humanité de chacun.
Explorer les pages méconnues de l'Histoire
D'autres auteurs ont fait le choix d'explorer des pages méconnues de l'Histoire. C'est le cas de Blaise Ndala qui, dans son roman intitulé L'équation avant la nuit, pointe du doigt la course entre les Alliés et l'Allemagne nazie pour fabriquer la bombe atomique grâce à l'uranium du Congo belge. Entre le Canada, les États-Unis, la Belgique, l'Allemagne, le Chili et le Congo, le roman sonde l'Histoire et interroge ce qu'elle ne dit pas.
Feurat Alani, lui aussi, remonte le fil de l'Histoire pour tenter de percer les mystères qu'elle laisse derrière elle. Dans Le ciel est immense, il nous entraîne dans une quête familiale et mémorielle sur les traces d'un oncle aviateur légendaire, disparu sans explication. En refusant que ce dernier soit effacé du livre de famille, le narrateur nous entraîne dans une odyssée magistrale, des années 1960 aux années 2000, entre Paris, Bagdad et Krasnodar.
Célébrer le temps présent
Si la rentrée littéraire des éditions JC Lattès convoque l'Histoire pour mieux comprendre le présent, elle fait aussi la part belle à des romans éminemment ancrées dans celui-ci. L'auteur irlandais John Boyne pose un regard à la fois singulier et envoûtant sur notre nature humaine dans Les éléments. À travers une narration kaléidoscopique qui font s'entrelacer quatre récits portés par quatre personnages, chacun lié à un élément en particulier, John Boyne dresse une fresque magistrale qui interroge notre rapport à la culpabilité et à la responsabilité, ainsi que notre capacité de rédemption.
Ce sont ses réflexions personnelles, jamais dénuées d'humour, que partage enfin Susie Morgenstern dans Coeur de cochon, publié dans la collection Bestial. À l'aube de ses 80 ans, l'autrice, née dans une famille juive ashkénaze immigrée à Newark, décide de prendre la plume pour se confier à celui qui incarne à ses yeux le plus grand tabou : le cochon. Oscillant entre les thèmes du deuil et de la gratitude, Susie Morgenstern nous rappelle une leçon essentielle : aimons la vie !
Shannon Humbert.