Être soi face au tumulte de l'Histoire
La rentrée littéraire des éditions Fayard explore la question de l'identité et du destin face aux circonstances de l'Histoire, notamment lorsque la guerre surgit. Avec L'angle mort du destin, Antoine Rault signe un roman choral à la forme aussi innovante qu'impactante : en suivant les pas de Yulia, Roman et Anastasia, tantôt dans la paix, tantôt dans la guerre, l'ouvrage s'empare de l'Histoire en train de s'écrire en Ukraine et nous interroge sur les mystères du destin. Nos personnalités triomphent-elles toujours face au cours des événements auxquels elle sont confrontées ?
Dans son premier roman intitulé Un nègre qui parle yiddish, Benny Malapa explore lui aussi les conséquences de la guerre et de l'urgence qu'elle impose à ceux qui la subissent de vivre et d'aimer. À travers l'histoire d'amour de ses parents, l'une allemande et l'autre camerounais, dans Paris occupé, Benny Malapa célèbre un couple courageux et lumineux face à l'intolérance et rappelle que le métissage n'est jamais un choix, mais seulement le fruit de rencontres.
Enfin, Christian Duverger s'empare de son sujet de prédilection, Hernán Cortés, figure emblématique du conquistador, pour tenter d'en pénétrer les pensées. Dans Mémoire de Cortés, il sonde l'histoire derrière l'Histoire et rend son identité d'homme à celui qui aura bouleversé la vie d'un continent entier. Lorsque l'on mène une existence d'une telle envergure, est-on bien certain de rester soi-même ?
Quand la fiction décortique l'actualité
La rentrée littéraire des éditions Fayard donne aussi la part belle à des récits qui, en passant par la fiction, nous interroge sur notre société actuelle. Dans Père patrie, Thierry Beinstingel imagine un pays qui résume à lui seul tous les heurs et malheurs de l'Europe de l'Est. Lorsque Joska découvre que le pays que gouverne son fils Tibor est en mauvaise santé, contrairement à ce que ce dernier veut bien laisser croire, il se trouve contraint de prendre les choses en main pour éviter toute tragédie. À travers les thèmes de l'isolement, de la pauvreté et de la paranoïa, se dessinent en creux ceux de l'amour et de son absence.
Dans son premier roman, Jours de révolte, Gigi Leung Lee-Chi nous entraîne dans une temporalité bien plus récente et nous donne à voir le reflet de notre époque dominée par la technologie. En partant des manifestations menées à Hong Kong en 2019, Gigi Leung Lee-Chi brosse le portrait d'une jeune génération prise en tenailles entre son désir de révolte et le confort de son quotidien consumériste.
Provocations littéraires signées Pauvert
Au programme de la rentrée littéraire des éditions Pauvert, s'ajoutent deux ouvrages aussi audacieux que subversifs. Le premier, Autorité, est un recueil de chroniques et d'essais autobiographiques signé Andrea Long Chu. Avec bagoût, violence et érudition, elle érige la critique comme une littérature en soi qui, face à l'archipélisation des opinions et à l'ère des réseaux sociaux, demeure malgré tout essentielle.
Le deuxième ouvrage publié aux éditions Pauvert est celui de Brittany Newell, Soft Core. À travers le portrait flamboyant de Ruth, strip-teaseuse et maîtresse domina, c'est la question de l'identité qui se pose : que reste-t-il de soi quand on n'est que le fantasme d'autrui ? Entre réflexions sur le travail du sexe et sur le féminisme, ce roman dépeint avec précision la solitude et la difficulté d'être soi.
Shannon Humbert.