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"Il n'a jamais été trop tard" de Lola Lafon : un cheminement de deux ans dans l'actualité

Dans Il n'a jamais été trop tard (Stock), Lola Lafon nous invite à prendre du recul face au temps qui passe inexorablement et qui est toujours saturé d'actualités en tous genres. Un cheminement qui nous rappelle que le langage est toujours politique et qu'il nous appartient de réussir à nous réunir.

Lola Lafon en un clin d'oeil : 

Lola Lafon est l'auteure de sept romans, dont les très remarqués La Petite Communiste qui ne souriait jamais (Actes Sud, 2014) et Quand tu écouteras cette chanson (Stock, 2022). Elle signe son retour en librairie en 2025 avec Il n'a jamais été trop tard (Stock), un recueil inédit et augmenté des textes qu'elle a publiés au cours des dernières années dans le journal Libération.

Pourquoi on aime Il n'a jamais été trop tard :

En 2023, Libération offre une page blanche mensuelle à Lola Lafon. Cette dernière accepte, et décide de faire de cette opportunité le laboratoire de son prochain livre. Dans un monde saturé d'actualités et d'opinions, l'autrice sélectionne et s'arrête sur un événement dont elle a été témoin - si le temps passe irrémédiablement, elle nous en extrait mois après mois grâce au pouvoir de la littérature. Aussi n'est-il pas question de fiction dans cet ouvrage, puisque Lola Lafon exploite plutôt celles qui existent déjà autour de nous. À travers ce journal collectif, qui débute en janvier 2023 et termine en novembre 2024, Lola Lafon nous propose de faire un pas de côté et de nous réconcilier au "nous".

Pour ce faire, Lola Lafon s'empare de sujets très variés, qui nous concernent ou qui, à tout le moins, nous traversent toutes et tous. Comme elle le souligne elle-même en quatrième de couverture, "ce livre est l'histoire de ce qui nous traverse, une histoire qu'on conjuguerait à tous les singuliers". Ainsi, la vieillesse de son chien devient l'allégorie du sort réservé aux corps des femmes, les exploits olympiques de l'été dernier font pâle figure face au courage de Gisèle Pélicot et à celui des victimes de violences sexuelles, et le sentiment d'attente éclipsé par les réseaux sociaux et leurs algorithmes puissants laisse place à une réflexion profonde sur la mort de Mahsa Amini et les espoirs des femmes iraniennes. En tirant le fil de mots toujours employés de façon éminemment politique, Lola Lafon chemine et désacralise le langage, en le replaçant dans sa signification étymologique.

Lola Lafon égrène ainsi les mois du calendrier. Chaque saison est entrecoupée de textes en italique, textes inédits et intimes qui sonnent comme une confidence, comme si l'autrice chuchotait à l'oreille de ses lecteurs. En filigrane, Lola Lafon nous enjoint à ne jamais désespérer et à toujours continuer à nous renouveler, comme le laisse entendre le titre de l'ouvrage.

La page à corner : 

     "Une fury room est un lieu où on paye pour laisser libre cours à sa fureur ; on y achète le droit, pendant un temps donné, de dévaster le décor, de fracasser les assiettes, de hurler.
     Ainsi, la bonne vieille crise de nerfs a sa version libérale, payante.
     Plusieurs formules de rage nous sont proposées. Une, domestique, où on cassera assiettes, verres et plats. La deuxième, sur le thème du bureau, où il est possible de fracasser un ordinateur ou une imprimante. Et enfin, la troisième, dédiée aux enfants, qui pourront, et pour vingt-cinq euros par personne, se livrer à une banale bataille d'oreillers.
     Pour toutes les formules, il s'agit de se défouler en dehors de tout jugement.
     Ainsi, nos frustrations, nos amertumes, nos peines se monnayent-elles, dissimulées entre les quatre murs capitonnés d'une pièce qui accueillera, à la file, les rages d'être en manque d'espace pour crier. Et si on nous assure, sur le site d'un de ces lieux, que tout objet cassé sera recyclé, aujourd'hui c'est surtout notre colère et notre sentiment d'impuissance qui le sont, recyclés.
     Puissent les isoloirs ne pas devenir des 
fury rooms gratuites." (p. 176-177).

Dans la presse : 

"Tout ensemble résolu et ourlé d'incertitudes, d'hésitations, d'aveux répétés d'indécision : ainsi cet ouvrage de Lola Lafon s'offre-t-il à lire - livre de l'intranquillité, de la vulnérabilité, mais aussi livre de combat, à sa façon, c'est-à-dire sans slogan ni mot d'ordre."
Nathalie CromTélérama

"Lola Lafon est une lame. De celles suffisamment bien affûtées pour retirer en un tour de main l'écorce épaisse du prêt-à-penser ambiant."
Edwige AudibertFranceInfo Culture

"Si son regard sur les événements qui ont marqué les deux années écoulées est si précieux, c'est parce qu'il est sincère, et qu'il traduit avec justesse l'impuissance et la colère qui si souvent nous déboussolent."
Élise LépineLe Point

 

Shannon Humbert.