Dans Sublutetia, Eric Senabre raconte l’épopée de deux adolescents dans les bas-fonds de Paris. Après avoir raté leur métro lors d’une sortie de classe, Nathan et Keren, se retrouvent embarqués dans une rame parallèle qui les conduit tout droit à Sublutetia, une cité souterraine devenue le refuge d'une population déçue ou rejetée qui a décidé de quitter la surface. Lorsqu’un projet immobilier vient mettre en péril la source de lumière de la ville, les deux camarades sont alors propulsés au centre d’une lutte acharnée pour la survie de ce paradis secret. S’appuyant sur le thème de l’utopie pour construire son récit, Eric Senabre livre une aventure à la limite entre la science-fiction et l’histoire qui laisse la part belle à l’imagination. Interview.
MyBOOX : D’où vous est venue l’envie d’écrire un premier roman jeunesse ?
Eric Senabre : L’écriture m’a toujours travaillé depuis tout petit. Il y a quelques années, j’ai fait une première tentative de roman pour adulte intitulée Avallon mais l’ouvrage ne fut jamais publié. Puis, avec le temps, j’ai réalisé que mon univers personnel se prêtait davantage au roman jeunesse qu’au roman adulte. Etant très attaché aux romans d’aventures et populaires, j’ai donc eu envie de rendre hommage à cette littérature qui m’a longtemps fait rêver. Paris et ses mystères me sont alors apparus comme l’environnement idéal pour montrer l’envers du décor. Je souhaitais présenter des lieux qui contiennent du mystère. Mon objectif n’est pas de créer un univers de A à Z mais de recréer un lieu où le mystère est déjà présent.
MyBOOX : Historiquement Sublutetia est un ouvrage richement documenté, notamment sur l’histoire du metro. Est-ce une passion ?
E.S : Le métro représente un enfer pour beaucoup de Parisiens. Or personnellement, c’est un univers que j’ai toujours apprécié. Sans être un passionné des trains, ni un lecteur assidu de revues spécialisées, je dois avouer que l’endroit me plait… J’ai toujours été fasciné par les tunnels, je me suis toujours demandé ce qu’il se cachait derrière. L’idée d’écrire sur le métro a donc germé peu à peu. La décision finale m’est venue après avoir lu Métro insolite (Parigramme) de Clive Lamming. L’auteur y propose de nombreuses anecdotes et histoires sur le métro. J’y ai notamment découvert l’existence des stations fantômes, des trajets que peuvent prendre les rames entre les gares, etc.
MyBOOX : Pourquoi avoir choisi le thème de l’utopie comme socle de votre récit ? Faut-il y voir un quelconque message ?
E.S : L’utopie de Sublutetia ne se construit pas au détriment de notre monde. Elle ne constitue pas une critique de notre société. Je ne voulais pas tomber dans la caricature: "le monde est pourri, vivons cachés", un peu comme Le Village qui porte un regard très noir sur la société. Le monde que j’ai créé n’a pas une visée universelle, il convient à certaines personnes ayant connu des déceptions durant leur vie à la surface et qui souhaitent expérimenter de nouvelles choses. Il peut s’apparenter à une petit modèle de société, une vision idéalisée de la vie en communauté.
MyBOOX : Comme beaucoup d’ouvrages jeunesse, la lecture de Sublutetia permet d’acquérir un certain nombre de connaissance, notamment en histoire ou encore en physique. Votre livre a-t-il un objectif pédagogique ?
E.S : Je ne pense pas qu’un roman jeunesse doive nécessairement avoir un aspect pédagogique. Néanmoins, à titre personnel, j’aime beaucoup apprendre des choses en lisant. Avec Sublutetia, la pédagogie est venue naturellement. L’objectif du livre est donc de permettre au lecteur de passer un bon moment tout en apprenant deux ou trois choses sur le métro ou les champignonnières de Paris, sans tomber toutefois dans le cours magistral.
MyBOOX : L’ouvrage est sous-titré "Tome 1 : La révolte de Hutan". Y’a-t-il un tome 2 en préparation ?
E.S : En effet, j’achève actuellement la rédaction du 2e tome de la série, dont la date de parution n’est pas encore connue. On y retrouve les principaux personnages. Mais cette fois-ci, Keren et Nathan ne sont pas renvoyés sous Paris. J’ai pensé que d’autres aventures souterraines pourraient faire basculer le récit dans la monotonie. J’ai donc souhaité relancer l’intérêt du lecteur avec une histoire se déroulant à la surface de Paris dans des lieux connus de tous même si Sublutetia jouera évidemment là encore un rôle central.
L’intrigue s’articulera autour d’une invention perdue du magicien et inventeur Jean-Eugène Robert- Houdin. Cette sorte de machine à remonter le temps engendrera de nombreux retours en arrière mettant en scène Houdin lui-même. J’ai déjà en tête l’idée d’un troisième tome mais à ce jour cela n’est encore qu’un projet en préparation. J’imagine donc Sublutetia comme une trilogie en devenir.
La page à corner:
"Nathan et Keren surplombaient un panorama tellement extraordinaire qu'ils crurent rêver. Sous leur pieds s'étendait une ville. Une ville avec des bâtiments, des rues, et, semblait-il, des promeneurs, baignant dans une tendre lumière phosphorescente qui donnait l'impression que tout était fait de jade. MAis le plus stupéfiant, c'était le silence qui se dégageait de la scène. Même en tendant l'oreille, on n'entendait aucun bruit de klaxons, pas de cris, pas de vombrissements de moteurs... La tranquilité d'un village de campagne, en pleine zone urbaine. Fulgence posa une main sur l'épaule des enfants, et , d'un ton cérémonieux, annonça: "Nathan et Keren, bienvenue à Sublutetia."" (p. 115)
Propos recueillis par Olivier Simon