Rose Lamy en un clin d'oeil :
En 2019, Rose Lamy crée le compte Instagram "Préparez-vous pour la bagarre", où elle décrypte le traitement des violences sexistes, sexuelles et domestiques dans les médias. En 2021, elle publie un premier livre dans la même lignée : Défaire le discours sexiste dans les médias (JC Lattès). Elle revient cette fois en librairie avec En bons pères de famille (JC Lattès), dans lequel elle analyse comment le silence est maintenu autour des violences intrafamiliales.
Pourquoi on aime En bons pères de famille :
En bons pères de famille se lit, dans un premier temps, comme un récit intime. C'est la révélation d'un secret familial qui motive Rose Lamy à l'écrire. Alors jeune adulte, elle découvre que son père, mort lorsqu'elle avait 4 ans et dont elle conservait l'image d'un père courage, grâce notamment à un article flatteur à son sujet dans le journal local, était en fait un homme violent. Pourtant, son père était un bon père de famille, loin du portrait du monstre communément dressé par la société dans ce genre de situation.
Rose Lamy s'emploie alors, dans une enquête documentée et menée tambour battant, à montrer comment les bons pères de famille, en tant qu'individus et en tant que classe sociale, maintiennent le silence autour des violences intrafamiliales. Elle déconstruit notamment les stéréotypes qui consisteraient à dire que les hommes violents sont toujours les autres, des monstres qui agiraient aléatoirement et gratuitement, ou bien des étrangers, dont la culture justifierait les violences systématiques. En plus de dénoncer la vacuité de ces idées préconçues, elle en montre les sources et souligne une toute autre réalité : en France, un féminicide a lieu tous les deux jours et demi ; dans 91% des cas, les violences sexuelles sont perpétrées par une personne connue de la victime ; en moyenne, on dénombre 45 interventions de la police par heure pour violences intrafamiliales.
Ces statistiques, Rose Lamy les martèle tout au long du livre. Et ce pour une bonne raison : il n'y en a qu'en prenant conscience de l'ancrage des stéréotypes fallacieux instaurés par le puissant discours des "bons pères de famille", qui réduit au silence celui des femmes et des enfants, que la société sera capable d'éradiquer les violences domestiques. L'autrice nous enjoint ainsi à ne jamais perdre de vue que les hommes violents ne sont jamais que des monstres, mais bien nos pères, nos frères, nos amis.
La page à corner :
"Comme souvent, le discours des bons pères de famille se loge dans des formules apparemment de bon sens. "On lave son linge sale en famille", "Qui ne dit mot consent". Ces phrases, qu'on nous présente comme des évidences, portent en elles des éléments idéologiques encourageant à maintenir les secrets familiaux dans la sphère privée ou à considérer que le silence obtenu par la sidération, l'emprise, la surprise ou la domination quotidienne équivaut à un consentement libre et éclairé. De la même manière, l'idée selon laquelle "les mots feraient plus mal que les coups" est souvent reprise dans l'espace public et médiatique.
[...]
Les violences verbales peuvent faire mal, peut-être aussi "mal" que certains coups, surtout quand elles sont portées par des personnes de l'entourage. Les menaces de mort peuvent par exemple déclencher des mécanismes psycho traumatiques similaires à une menace de mort accompagnée de violences physiques. Les violences psychologiques peuvent amener au passage à l'acte d'une victime harcelée quand elle retourne la violence contre elle et se suicide, ou engendrer de lourdes conséquences traumatiques.
Pour autant, les mots de Marie Trintignant et d'Alexia Fouillot peuvent-ils être considérés comme des violences verbales ? Marie Trintignant refuse que Bertrand Cantat lui interdise de communiquer avec son ex. Alexia Fouillot reproche à Jonathann Daval sa passivité dans le processus de procréation médicalement assistée qu'ils ont décidé de suivre ensemble. Leurs mots relèvent de l'affirmation, de l'auto défense, au pire d'une once de provocation. Ils ne s'inscrivent pas dans un continuum de violences qui mène à la mort, et il est peu probable que Bertrand Cantat et Jonathann Daval aient craint de mourir sous leurs coups. Les mots de Marie Trintignant et d'Alexia Fouillot ont plus sûrement froissé leur honneur, leur ego, bafoué leur autorité, mais peut-on pour autant considérer que des dizaines de coups au visage, un étranglement de quatre minutes, de la non-assistance à personne à l'agonie, la dissimulation et la tentative de crémation d'un corps puissent être une réponse adaptée à des mots ?" (p. 53-57)
Dans la presse :
"Connue pour son analyse du discours sexiste dans les médias, l'autrice a découvert récemment dans sa propre histoire familiale les racines de son engagement."
Marlène Thomas, Libération
"Après avoir ausculté la révolution #MeToo et son lot de violences sexuelles, l'autrice Rose Lamy se penche sur celles, plus insidieuses encore, qui rongent les familles. En partant de la sienne."
Marion Police, Le Temps
"Ce qu'elle décrit spécifiquement dans le livre, c'est un soutien implicite aux pères de famille qui, quand ils sont violents ou quand ils font du mal, ont juste dérapé."
France Inter
Shannon Humbert.