Dans cette rentrée aux éditions Stock, il est question de passé et de mémoire : ceux de l’auteur qui deviennent objets ou doubles littéraires, comme chez Luc Lang, Tobie Nathan, ou Panayotis Pascot qui signe son premier récit, ou encore, de manière moins directe, Constance Rivière ; ceux de parents ou d’aïeux, comme chez Olivia Elkaim ou Negar Djavadi. Les romans de Stock disent également la violence du monde et interrogent les mécanismes sociaux, dans Les filles perdues de Dorothée Janin, comme dans Western de Maria Pourchet, ou encore dans le premier roman de Cécile Pin, Les âmes errantes.
Partir sur les traces de…
Dans La dernière place publié dans la collection « Des nouvelles du réel », Négar Djavadi livre un récit personnel sur un événement historique qui a entraîné la mort de sa cousine. En 2020, le crash du vol 752 d’Ukraine International Airlines, qui reliait Téhéran à Kiev, constitue aussi un événement annonciateur des mouvements révolutionnaires que connaît l’Iran actuellement. L’autrice revient sur cet événement autant que sur l’histoire de sa cousine et le douloureux deuil.
Dans Le jongleur, Agata Tuszyńska, romancière, poète et biographe polonaise, retrace la vie mouvementée et atypique de l’écrivain français aux deux prix Goncourt, à l’œuvre foisonnante, aux cent vies et à la fin tragique. Cette dernière décennie, Romain Gary suscite un grand intérêt en France et à l’étranger. Agata Tuszyńska a mené une grande enquête et livre ici un portrait unique d’un destin hors-norme.
Des récits d’apprentissage introspectifs
Partir sur les traces, c’est aussi, parfois, remonter sa propre histoire. C’est ce que font plusieurs écrivains de cette rentrée Stock, se servant de leurs expériences et histoires personnelles comme point de départ et matériau littéraires. Ils mettent ainsi en perspective leurs propres cheminements initiatiques.
Dans La vie des ombres, c’est le documentariste Frederick Wiseman que Constance Rivière décide de suivre : celui, qui depuis 50 ans, s’intéresse à l’Amérique des marges et montre les invisibles, qu’ils soient cachés ou, au contraire, trop exposés dans la société du service pour qu’on ne les voie réellement. A travers ce livre hybride, ni essai, ni biographie, prenant Wiseman comme figure tutélaire mais aussi comme prétexte, Constance Rivière est aussi en quête d’elle-même.
Dans son premier livre La prochaine fois que tu mordras la poussière, Panayotis Pascot écrit à son père qui ne vivra plus longtemps. C’est l’occasion pour lui de revenir sur un passage à l’âge adulte très douloureux fait de l’acceptation de l’homosexualité et d’épisodes dépressifs.
Dans Et si c’était une nuit, Tobie Nathan use d’un double littéraire pour se raconter, un peu, mais surtout pour dire ce qui fait un destin. Avec comme point de départ mai 1968 et un jeune homme qui a vingt ans, soit l’âge que l’auteur avait en 1968, Tobie Nathan mêle le réel et le romanesque et tente de comprendre les prémices de la vocation.
Les combats de vie
Luc Lang signe quant à lui Le récit du combat, où il raconte sa traversée d’un demi-siècle. Dans ce récit d’apprentissage, il revient sur toutes les chutes qu’il a vécues et qui ont fait de lui ce qu’il est devenu à travers les âges, car vivre est un combat.
Dans son premier roman Les âmes errantes, Cécile Pin raconte l’histoire d’une famille vietnamienne après la guerre avec les États-Unis, l’exil, la mort, la culpabilité de ceux qui restent et le deuil d’une famille, comme d’un pays.
En exhumant un fait divers de 1947, Dorothée Janin, dans La révolte des filles perdues, raconte la prison de Fresnes et ses occupantes qui se révoltent et tentent de s’évader. L’histoire les oublie, Dorothée Janin décide de leur donner voix et de rétablir leur esprit de liberté, envers et contre toute la mécanique sociale et patriarcale.
Dans Fille de Tunis, c’est à sa grand-mère maternelle qu’Olivia Elkaim rend hommage. En dressant le portrait d’une figure libre, elle explore aussi les thèmes de l’exil et du destin chahuté par l’histoire.
Le dernier roman de Maria Pourchet déjà très remarqué, Western, explore aussi le thème de la liberté à travers l’histoire deux personnages Aurore et Alexis en proie à la violence du monde qui les entoure. Western livre une réflexion sur notre époque et interroge la manière dont il est possible de s’aimer aujourd’hui.
Lucile Charlemagne