Vous êtes ici

23 Novembre 2018

Didier Jeunesse : 30 années qui content

Partager via Facebook
Partager via Twitter
Partager via Pinterest
Imprimer la page
Didier Jeunesse : anniversaire 30 ans

Cette année, Didier Jeunesse fête ses 30 ans. L’occasion pour nous de revenir sur l’histoire de cette étonnante maison d’édition, qui fait chanter et danser les enfants et les parents au rythme des contes et comptines du monde entier.

Malgré son surnom de monde des lettres, le milieu de l’édition cache en son sein une maison qui a su écrire son histoire autour de tout ce que les langues ont de plus oral. Fondées en 1988 par Michèle Moreau, les éditions Didier Jeunesse jouent depuis 30 ans avec les frontières de l’objet livre et de la langue, pour le plus grand plaisir des amateurs d’une littérature jeunesse riche, joyeuse, et qui fait la part belle à un apprentissage jovial et musical. De quoi s’assurer des lendemains qui chantent, et ce, dans toutes les langues du monde.

 

Le conte et les comptines comme marque de fabrique

 

Quoi de plus logique, pour une maison d’édition qui joue depuis tout ce temps avec l’oralité et la musicalité de la langue, que d’être née de l’idée d’utiliser les comptines dans les pédagogies d’apprentissage de la langue ? L’histoire de Didier Jeunesse débute ainsi, en 1988, lorsque les éditions Didier lancent une collection nommée Les Petits Lascars. Menée par une équipe d’enseignants-chercheurs à l’ENS de St-Cloud, cette initiative fonde sa pédagogie d’apprentissage du français auprès de populations étrangères sur l’emploi de comptines et d’histoires venues d’une tradition orale. Une approche qui plaît à Michèle Moreau, alors éditrice scolaire pour la maison spécialisée dans l’enseignement des langues, qui adapte la méthode en livres-cassettes. L’univers de Didier Jeunesse, qui connaît là sa première publication, est posé. Et si la maison d’édition a su explorer bien des territoires depuis, c’est bien sur cette base de livres écrits reprenant à leur compte une langue orale, que se bâtira la personnalité de cet éditeur aujourd’hui trentenaire.

 

Les rencontres, qu’elles soient des langues ou bien des personnes, forment également une grande partie de l’ADN de Didier Jeunesse. Celle avec d’autres éditeurs jeunesse comme Enfances et musiques, dont Michèle Moreau admire le travail, et où elle suivra une formation. Celle, aussi, avec des auteurs et auteures comme Charlotte Mollet, qui lui propose en 1993 ses premiers albums centrés sur les comptines, et de laquelle naîtra Un éléphant qui et Une souris verte. Basé sur l’une des comptines les plus emblématiques, ce dernier remporte le prix Sorcières, connaît un très grand succès en librairie et lance la collection Pirouette, qui perdure aujourd’hui encore. Mais il serait impossible de parler de Didier Jeunesse sans également évoquer la rencontre entre Michèle Moreau et Céline Murcier, aujourd’hui directrice littéraire de la collection À petits petons. La façon de penser les textes de Michèle Moreau s’en trouvera à jamais modifié : "Elle m’a fait découvrir l’ampleur du territoire des histoires destinées aux enfants dans la tradition populaire dans tous les pays du monde."  

 

Des livres pensés comme des bandes-son

 

Mais la véritable rencontre qui marquera le plus profondément la maison d’édition sera celle avec les comptines venues de tous les pays du monde. Lancée en 2001 avec À l’ombre de l’olivier, la collection Comptines du monde reste aujourd’hui encore le plus grand succès de la maison d’édition. Une série de livres-disques qui propose de tisser un lien entre les enfants francophones issus de l’immigration et la langue de leurs parents ou de leurs proches, qui connaîtra dès sa première publication un énorme succès. À l’ombre de l’olivier, basé sur les comptines issues des pays du Maghreb, obtiendra le prix de l’Assemblée nationale, et servira de socles aux publications futures, comme les Comptines et berceuses du Baobab, deuxième livre-disque des Comptines du monde, qui se vendra à plus de trois cent mille exemplaires tous supports confondus. La collection, depuis, a exploré de nombreux pays et de nombreux continents, se prolongeant également avec une autre collection de livres-disques bilingue, Les petits cousins. Un travail d’autant plus passionnant que les comptines, malgré leur apparente simplicité, permettent de travailler sur le langage de manière comparative, offrant à voir ce que chacune a de plus beau et de plus singulier. "Chaque langue a sa propre façon de voir le monde. C’est passionnant. On voit des langues sans possessif, ou avec des systèmes temporels très différents. Travailler certains livres m’a amené à penser la vie de manière métaphysique.", indique Michèle Moreau. La découverte marquera toutes les publications à venir, avec une place plus que jamais centrale accordée aux sonorités et à la prosodie du texte.

 

Si Didier Jeunesse a trouvé sa voie (et sa voix) dans l’oralité, c’est aussi parce que sa fondatrice confesse volontiers travailler ses livres à voix haute. Une manière de penser le texte apprise au contact de Cécile Murcier et des conteurs professionnels qui travailleront avec elles sur la collection À Petits Petons. "Destiner un texte à la lecture à voix haute, c’est en écrire la partition. Les mots, les virgules et la mise en page doivent être bien choisi. Cela m’a permis de transférer ça sur tout le reste du catalogue. Travailler à voix haute permet de faire sonner les textes, de penser les chutes. On peut lui donner un rythme." Les livres deviennent alors de véritables partitions, dont la musicalité saute aux yeux et aux oreilles. Une pratique qui permet la naissance de projets tout à fait singuliers, comme la série des Groucho, des histoires pensées comme des bandes-son de bande dessinée. Menés avec Olivier Saladin des Deschiens, ces livres n’ont pas connu le succès escompté, mais ils restent pour leur auteure comme l’un des projets sur lesquelles elle a adoré travailler. D’autres réussissent le pari de faire entendre une voix singulière, comme la récente collection de livres à puces Mes promenades sonores, dont la poésie n’a d’égal que le dénuement de sa narration.

 

Une manière singulière de penser le livre

 

Acteur du monde des livres, Didier Jeunesse n'en reste donc pas moins ouvert sur la musique. Les livres-disques sont ainsi travaillés non pas uniquement comme une maison d'édition, mais aussi comme un label de musique pour son enregistrement et sa distribution. Une des raisons pour lesquelles Michèle Moreau a attendu avant de se lancer sur le livre à puce, préférant travailler le support afin de ne pas offrir qu'une version restreinte techniquement des comptines déjà présente dans les autres ouvrages. La preuve avec des livres comme la collection des promenades sonores évoquée précédemment, ou bien encore le titre singulier Papa siffle et Papa souffle.

 

Autre particularité des plus surprenantes dans la manière de travailler de Michèle Moreau, la volonté de laisser venir les projets à elle au gré des rencontres, et de les travailler en suivant son instinct. L’un des derniers succès en date est ainsi né des discussions entre elle et Susie Morgenstern, auteure majeure du monde de la littérature jeunesse avec qui elle a pensé le livre-disque Mister Gershwin, les gratte-ciels de la musique. Travaillé "à l’envie", ce livre-disque remportera le prix Pépites du salon du livre jeunesse de Montreuil. Une collaboration qui s’inscrit une fois de plus dans le temps, puisque Didier Jeunesse publie en cette fin d’année Be Happy, nouveau livre-disque signé Susie Morgenstern qui conserve cette affinité pour la musique, et cette approche capable de toucher autant les parents que les enfants. Sans parler, bien sûr, de la volonté d'imprimer les livres en France et d'employer des encres non-polluantes, ou la volonté de proposer des romans pour 8-12 ans avec l'envie de leur offrir un pont vers la grande littérature. Autant de visions du livre qui s'inscrivent conjointement dans une quête du temps long et du travail bien fait.

 

Quid du futur, alors, pour une maison d'édition qui n'a eu de cesse d'explorer ? Loin de se reposer sur leurs lauriers, les équipes de Didier Jeunesse continuent de penser l'univers du livre comme un territoire où certains terrains sont à défricher, avec comme modèle certains ouvrages qui par le passé leur ont permis d'explorer. Michèle Moreau cite alors Robert dit que de Frédéric Kessler, Une idée de chien sous la terre de Roberto Prual-Reavis ou encore Barracuda for ever, paru conjointement chez Didier Jeunesse et aux éditions J-C Lattès. Elle confie souhaiter "dépoussiérer certains genres. Revenir à des objets plus formels, qui jouent avec l'espace du livre. Explorer d'autres pistes éditoriales, tout en continuant à offrir des choses aux touts-petits qui soient dans la grâce." Dans le contexte actuel, qui n'offrent pas toujours que des bonnes nouvelles pour notre avenir, voilà enfin une bonne raison de se réjouir pour les générations à venir.

 

Y. Cz.

A lire aussi

18 Mars 2024

Dans Le pays de Rêve publié chez Rageot, David Diop se sert du conte et de la poésie pour parler aux jeunes lecteurs de l’injustice du monde...
"Mission Planète" : Hugo Clément lance une collection d'albums jeunesse aux éditions Fayard

08 Février 2024

Emmenez vos enfants à la découverte de la biodiversité avec une nouvelle collection d'albums jeunesse signés Hugo Clément : "Mission Planète...

01 Février 2024

Dans La Dernière Amazone , publié aux éditions Rageot, Estelle Faye nous transporte au cœur d'une Grèce mythologique revisitée. Au sein de cette...